Notre part de nuit de Mariana Enriquez

En début de mois, j’ai eu la chance de participer à un événement littéraire organisé par les éditions Points et Audiolib autour du roman Notre part de nuit de Mariana Enriquez. Nous avons fait une visite guidée du cimetière du Père-Lachaise sur la thématique des spirites et médiums. Une sortie captivante qui m’a encore plus donné envie de me plonger dans le roman.

En résumé :

Un père et son fils traversent l’Argentine par la route, comme en fuite. Où vont-ils ? À qui cherchent-ils à échapper ? Le petit garçon s’appelle Gaspar. Sa mère a disparu dans des circonstances étranges. Comme son père, Gaspar a hérité d’un terrible don : il est destiné à devenir médium pour le compte d’une mystérieuse société secrète qui entre en contact avec les Ténèbres pour percer les mystères de la vie éternelle.

Mon avis : Notre part de nuit

L’histoire commence avec Juan et son fils Gaspard, qui suite à la mort de Rosario, la mère de famille, dans d’étranges circonstances, quittent précipitamment le domicile familial. Nous suivons le roadtrip du père et son fils, qui semblent fuirent quelque chose. Rapidement, nous découvrons qu’il s’agit d’une mystérieuse société secrète appelée l’Ordre. A laquelle Juan est affilié et qui pourrait leur vouloir du mal. Le roman est composé de plusieurs parties dédiées à différentes époques et personnages. Il est assez difficile de vous résumer ce roman sans trop en dévoiler. Car il aborde de nombreux sujets comme la perte, la folie, la violence et l’occultisme. 

Il y a plusieurs points que je souhaite aborder dans cette chronique qui pourraient être spoliant et vous dévoiler certains aspects de l’histoire. Je vous conseille donc de vous arrêter là, si vous souhaitez lire le roman. Après une immersion de plusieurs semaines dans cette histoire et cet univers, je ne peux pas ne pas revenir sur les thèmes principaux du roman ni sur cette fin.

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La relation entre Gaspard et Juan :

La première chose sur laquelle je veux revenir est la relation entre Juan et son fils Gaspard. Juan est un personnage mystérieux et énigmatique, et ses motivations restent floues tout au long de l’histoire. Il est souvent froid et distant envers son fils, et ne montre que très peu d’émotions. Gaspard, quant à lui, est un enfant sensible et intuitif, qui a du mal à comprendre les actions et les choix de son père. Malgré cette distance, Juan est très protecteur. Il fera tout pour garder son fils en sécurité, même s’il doit pour cela prendre des décisions difficiles et lourdes de conséquences. J’ai du mal à mettre des mots sur cette relation, car l’on sent que Juan éprouve beaucoup d’amour pour son fils et parfois, nous avons l’impression qu’il le déteste et lui veut du mal.

Leur relation est donc marquée par un mélange de distance, de protection et d’incompréhension. Tout au long de l’histoire, nous nous posons des questions sur les motivations et les intentions de Juan, ainsi que sur le destin mystérieux qui attend Gaspard. La tension est palpable, et le roman offre une exploration subtile et nuancée de la complexité des relations familiales.

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L’Ordre :

Je veux ensuite vous parler de cette mystérieuse secte appelée l’Ordre. C’est autour d’elle que gravite l’intrigue. Les membres de l’Ordre sont convaincus qu’il est possible de percer les mystères de la vie éternelle et de découvrir les secrets de l’au-delà en invoquant l’Obscurité un dieu des ténèbres. Pour cela, il leur faut des médiums capables d’invoquer cette entité durant des cérémonials dédiés. 

L’Ordre est présenté comme une organisation secrète et dangereuse, qui ne recule devant rien pour atteindre ses objectifs. Ses membres sont prêts à commettre des actes terribles pour parvenir à leurs fins, et les médiums qui travaillent pour eux sont souvent soumis à des pressions et à des manipulations psychologiques pour les pousser à accomplir des actes violents qu’ils réprouvent. 

Un culte qui n’offre pas de récompenses éternelles, ou inhabituellement longues, ne bâtit pas une foi. Croire ne se discute pas.

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Une histoire lugubre :

Notre part de nuit est un roman envoûtant et obsédant, c’est une histoire troublante et macabre qui se déplace dans le temps et entre les voix et les styles. L’histoire divisée en différentes parties, avec des narrateurs et des moments différents qui s’assemblent comme un puzzle. Durant une longue partie de ma lecture, je ne comprenais pas vraiment où l’autrice voulait nous mener. Les éléments se sont fait plus clairs au fur et à mesure des témoignages et des flash-back. Ce qui me faisait poursuivre cette lecture est son atmosphère sombre très attrayante, elle nous colle à la peau et impossible de s’en défaire avant d’avoir refermé le roman. Il y a un côté malsain dans cette lecture où nous finissons par apprécier les scènes sanglantes et ses personnages au mal pur. 

Les fantômes sont réels et ce ne sont pas toujours ceux qu’on appelle qui viennent.

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Le final :

La fin m’a réellement surprise et en y repensant à tête reposée, je ne me sens pas convaincue. 
Attention, je vais vous dévoiler toute la fin de l’histoire à partir de là. Je pense qu’il y a une bonne base de discussion, et peut-être que d’autres lecteurs auront des interprétations différentes. Je suis donc toute disposée pour en discuter. 

Plusieurs années après la mort de son père Gaspard finit par retourner auprès de sa famille maternelle. Ce sont des personnes riches, puissantes et surtout qui contrôlent l’Ordre. Il apprend que lors d’un rituel précédent son père a réussit à prendre possession de son corps durant quelques minutes. Le transfert de la conscience dans un corps est donc possible. Mais Juan, dont le bien-être et la sécurité de Gaspard étaient la principale préoccupation, a aidé celui-ci à le repousser et à mettre fin au cérémonial. 

Désormais, témoins de ce miracle l’Ordre souhaite réitérer le rituel avec le corps de Gaspard. Qui se dévoile petit à petit comme le digne successeur de Juan avec ses talents de médium. Aidé par Esteban, Gaspard va piéger l’Ordre en les entraînant lors d’une cérémonie dans l’Autre monde et en les offrant en sacrifice à l’Obscurité. Il fuit ensuite cet autre monde et referme la porte définitivement.

J’avoue avoir un peu de mal à me faire à cette fin. Il est bien pensé, crédible lorsque l’on a suivi l’histoire. Mais je reste perplexe, pourquoi Juan n’a t-il pas lui-même offert les disciples de l’Ordre en sacrifice a l’obscurité ? Cela aurait évité bien des ennuis à son fils. Si d’autres médiums se dévoilent, peuvent-ils sauver ces âmes ? L’Obscurité, va-t-elle lâcher Gaspard désormais ? Bref, j’ai encore de nombreuses questions qui restent sans réponses explicites. 

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En conclusion :

C’est un roman qui pourrait être décrit comme un livre d’horreur ou de fantastique, bien qu’en vérité, il traite de beaucoup plus de choses. Je ne suis pas revenue sur le contexte politique très développé durant l’histoire. Au début, j’ai eu du mal à accrocher, surtout parce que je ne comprenais pas le « but » de cette lecture et de ces révélations. 

Le roman est divisé en plusieurs parties, que j’ai trouvé plutôt inégales et terme d’intrigue et de développement, mais aussi en longueur. Il y en a que j’ai trouvé moins intéressantes, moins fluides et auxquelles je n’ai pas accroché et que j’ai fini par lire en diagonale. C’est certainement le point négatif que je retiendrai de cette lecture, l’histoire prend son temps tout est extrêmement bien détaillé et peut-être un peu trop à mon goût. Elle aurait pu être écourtée de plusieurs centaines de pages que cela ne m’aurait pas manquées. Je reste un peu sur ma fin bien que je trouve celle-ci en cohérence avec l’intrigue. 

Emporté par une plume poétique Notre part de nuit est un roman ensorcelant, qui plaira aux lecteurs qui aiment les histoires sombres et surnaturelles. Si vous cherchez une lecture qui vous fera réfléchir longtemps après avoir tourné la dernière page, ce livre est fait pour vous.

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Titre : Notre part de nuit
Auteur : Mariana Enriquez
Editons : Points